MES MOTIVATIONS

I - CE QUI ME TOUCHE ?

a) Tout ce qu’un peintre peut dégager par son sens des couleurs, des proportions, des formes et des traits, de la composition…
Beaucoup de choses à dire. Il est difficile de répondre à cette question assez générale : ce sont parfois des détails qui dégagent le plus l’émotion et la communion avec une œuvre.

Je dirais donc aussi : la façon dont le peintre utilise la matière, joue des contrastes, de la lumière, des matières…

En parlant d’une œuvre, on parle de ses qualités plastiques. Un sens de l’équilibre, des dispositions harmonieuses, Art-Mot-Nid, jeu de mot (selon Catherine David) ? Tout cela relève de l’aspect visuel.

b) Mais au-delà, j’aime interroger le lien entre une expression possible des intentions et les réponses picturales, les formalisations du peintre, son regard unique, lié à sa subjectivité, le jeu des influences … un certain agencement qui finalement rendra l’œuvre personnelle, et tous les choix qui jalonnent la réalisation de l’œuvre.

Par ailleurs, je suis particulièrement sensible à l’accord (la synthèse ?) entre le sujet, la (les) forme (s), les fonds, les matières, et les troubles que l’on peut créer entre eux.
Les fonds participent intégralement aux impressions qui peuvent se dégager : résonnance avec les motifs, le fonds interroge ces motifs, il participe à l’équilibre, l’harmonie et l’éclat de l’œuvre (et la profondeur).

c) Ce n’est pas toujours possible d’exprimer tout ce qui me touche, car je suis assez éclectique (éclaté ?) et ce qui va me toucher dans un tableau du XIXème siècle ne va peut-être pas apparaître dans un tableau du XXème siècle. Il y a évidemment de multiples histoires (ou périodes) et exigences en matière de peinture ou de dessins.
Ce qui est presque paradoxal est qu’il y ait - à travers des œuvres différentes - des familiarités et des exigences esthétiques qui ne sont pas toujours si éloignées.

Après tout elles relèvent d’une esthétique aux références voisines, l’esthétique classique, qui a dominé au moins jusqu’en 1970.
Pour ma démarche, je garde des références qui n’empêchent pas d’interroger l’esthétique classique, sans la rejeter complétement, tout en m’intéressant particulièrement à l’art abstrait.

Pour illustrer ceci, je parlerai de peintres que j’aime particulièrement :

j’aime
Rothko,


J. ROTHKO

J’aime
de Staël. Deux destins de peintres entre autres situés dans des contextes culturels différents. Et cependant, je fais le lien à l’occasion entre la peinture captivante et parfois dramatique de Rothko, la profondeur de son travail et le lyrisme qui se dégage de jeux de taches de couleur, jamais selon moi vraiment posées sur la toile de de Staël. Elles flottent.


N. de STAEL, Lumières du nord, Lumières du sud

Certainement un impressionnant niveau d’exigence technique chez ces deux peintres (sur les mediums, sur les effets des superpositions de couches de couleur, l’effet de leurs tableaux), mais une autre façon de solliciter le regard et la posture de perception de ceux qui regardent, car l’attente du public n’est plus la même.

d) A l’échèle de détail d’un tableau, ce qui me touche aussi, c’est les vibrations et la transparence des couleurs, les frontières entre les motifs et les formes achevées ou jamais achevées. Des continuums de couleur apparaissent et aussi des ruptures, voire des oppositions qui n’empêchent pas, bien au contraire, de fonder une harmonie.

Les accidents, quand il y en a, sont assumés. Ils peuvent arriver et donner naissance à de nouvelles élaborations aussi importantes que celles contenues dans l’idée d’origine.

Il y a des proximités de couleur, qui font plus qu’un assemblage. S’en dégage une émotion : complémentarités, confrontations, rapports chaud-froid. Chaque couleur en fait vibrer une autre, comme Cézanne l’a si bien fait dans nombre de ses compositions de pommes.





II - CE QUI ME FAIT REVER ?

a) Les images de rêves ? très difficiles à appréhender, ou elles sont dans l’inconscient.

b) Transfigurer la réalité, donner un autre sens aux situations, dépasser le monde réel, quitter la représentation conventionnelle, celle du premier regard ou de l’appareil de photo utilisé simplement.

c) la création de l’émotion par les traits, les fonds, les couleurs, les entremêlements, etc.
A titre d’exemple, plutôt de parler des peintures que j’aime, je préférerais parler encore de quelques peintres qui sont pour moi des géants (outre
Rembrandt, Rothko et de Staël). Ces allusions sont évidemment très schématiques, mais elles recèlent certains aspects que j’ai retenus et qui peuvent me guider consciemment ou inconsciemment :
Van Gogh : choix de couleurs vives + l’émotion est dans le tracé des traits, très vivants, irréguliers, comme des circonvolutions souvent chargées de peinture. Sa démarche s’applique aussi bien aux portraits, qu’aux édifices, aux paysages et parfois aux objets courants et aux lieux. Précurseur de l’’expressionnisme. Eclatement de la subjectivité.


V.VAN GOGH, Paysage à Auvers sous la pluie

Cézanne : les pommes bleues parce qu’elles ne sont pas complètement bleues. C’est un travail sur l’absolu des couleurs, qui comporte une grande portée à la fois figurative et abstraite.


P. CEZANNE, Sainte Victoire

De Staël : juxtaposition de tâches en recouvrement et produisant des effets de vibration. De grandes plages de couleur harmonieuse et des couleurs qui se côtoient sans ménagement, parfois se superposant, donnant beaucoup d’effets de vibration.

Malevitch : Structures et couleurs : Epuration, changement de vocabulaire. Une révolution des savoir-faire dans une esthétique ultime issue de la Renaissance.


K. Malevitch

Barnett Newman : Repartir de zéro. Recréer une esthétique par les formes géométriques, qui font abstraction d’un passé trop chargé de références et de nouveaux appareillages de couleur. Rechercher la vibration ultime.


Barnett NEWMAN

Pour être plus synthétique, ce qui me fait rêver, entre autres ? :

• Le jaillissement issu des proximités de couleurs (ou contrastes), complété par leur confrontation

• La capacité à générer des perceptions inconnues, des ambiances, ou règne du mystère

• La création de vibrations par la transparence
Observer des peintures, qui créent de la complicité (possibilité d’un partage) des audaces, et qui éclairent l’esprit de recherche du peintre.